Récit d'un record du Monde des 48 heures
Retour sur un exploit hors-norme, celui d' Alain Simac-Lejeune sous le regard attentionné de son coach Gilou Grabski et les encouragements de ses proches et de son club : le pierrelatin a battu le record du monde des 48 h de nage ! FELICITATIONS !!!
Grand merci à Alain, infatigable qui a déjà pris la plume pour revenir sur son exploit du WE avant de retrouver les bras de Morphée !
1. 1er sentiment
Ouf, c'est fini. J'ai vraiment réussi à tenir ?
Depuis que je suis petit, je rêvais deux choses : battre un record du monde et participer aux JO. J'ai fini par réaliser un de ces rêves. C'est fou, c'est extraordinaire. Et la manière était fantastique.
2. Déroulement
Un premier bloc de 8 heures avec environ 24 kilomètres qui s'est passé correctement même si étant encore en forme et lucide, je réfléchissais beaucoup et donc "m'embêtais".
0 h, premier palier difficile avec l'arrivée du froid, l'extinction des lumières puis crampes intestinales. Seulement 3 km de fait en 5 heures, la moyenne avait pris un sacré coup.
De 5 heures à 16 heures, l'objectif c'était de revenir dans les clous et de rattraper le retard. On enchaîne les heures avec des arrêts pour boire ou manger une pâte de fruits tous les 2 ou 3 kilomètres. La moyenne est stabilisée à 3 km/h. 51 km après 24 heures soit la moitié mais c'est 9 kilomètres de moins que mon record de Lausanne et 3 heures de plus. Il faudra attendre 3 heures de plus pour atteindre les 60 km soit 6 heures de retard. La première "24 heures" aura été linéaire et assez difficile.
La tentative bascule à 60 km vers 19/20 h avec l'arrivée des accompagnants du club (nageurs comme parents) qui encouragent non stop au bord du bassin, qui viennent nager dans les lignes d'à côté. Une vraie bouffée d'oxygène, une source d'énergie. La musique arrive également. J'ai le droit à des massages musculaires pour me décontracter et pour me réchauffer.
La moyenne remonte à 3,5 km/h et je fais un break micro-sieste de 0h30 à 3h, je suis à 70 kilomètres.
A 3 heures, tout le monde dort ou est reparti et je me relance, seul dans l'eau. Voyant ma moyenne baissée, plusieurs accompagnants se relayent au bord du bassin pour marcher à côté et me donner du rythme. A 8 heures, il reste encore 8 heures, on est à 85 kilomètres. Les heures se succèdent et l'arrivée des nageurs et nageuses du club qui ont dormi à la piscine pour aider relance une fois encore le rythme qui s'effondrait.
Dès que la faim arrive, l'estomac me tord de douleur et je ne peux plus nager, je m'arrête manger un instant une ou deux pâtes de fruit et je repars.
A 12h30, il reste 3h40 et je suis à 91 kilomètres, il en faut encore 11 pour atteindre l'objectif. Je suis épuisé, les bras sont tétanisés comme tous les autres muscles (jambes à force de pousser sur le mur, cou à force de respirer, dos dans les virages), le chlore me brûle les poumons, j'ai la peau brûlée sur le visage et j'ai des bleus sur le bord des yeux et sur les oreilles à cause du bonnet et des lunettes.
Une stratégie est mise en place : un relayeur tous les km dans la ligne d'à côté va me donner du rythme. C'est parti pour 4 heures d'efforts intenses. Les kms s'enchaînent, les accompagnateurs me jettent de l'eau ou du ravitaillement de temps en temps et encouragent sur le bord du bassin en permanence.
On arrive à la dernière heure, il reste 3 kilomètres. Le coach, Gilles Grabski, se met à l'eau et fait le dernier relais. Il "m'engueule" dans l'eau en me faisant des signes, "allez bouge", "accélère", "accroche-toi"... Quelques minutes avant la fin (3 minutes), il s'arrête et sort de l'eau, je ne comprendrais qu'après que les 101,930 venaient d'être passés et que désormais, la fin, c'est du bonus, 204 mètres de plus, seulement. Après 2880 minutes d'efforts, je n'ai que 3 minutes d'avance sur le record.
Ce devait être un défi personnel sportif et ce sera finalement une expérience humaine hors du commun. Rien n'aurait été possible sans les encouragements au bord du bassin qui ont notamment fait tout basculé dimanche soir et sans l'accompagnement de tous les nageurs et nageuses, surtout nageuses, qui ont fait tant de longueurs avec moi. Mon coach a été parfait et a su mettre la pression au bon moment, établir la stratégie et a fait avec les nombreux aléas. Enfin, ma femme et mes enfants ont été une source d'énergie inépuisable.
3. Temps difficiles
Comme prévu, les périodes nocturnes et la gestion du froid ont été terribles. La première a failli me faire arrêter car j'étais vraiment transi de froid.
A partir de 34 heures, (2h le lundi matin) je n'arrivais plus à sortir du dur.
4. Arrêts
Les vrais arrêts ont été pendant la nuit. La première nuit, claquant des dents, je suis sorti me réchauffer à 0h30 en allant dans la bassin chaud, en buvant du thé chaud, etc.
Je suis ressorti à 3h à cause de crampes intestinales. Le repas du soir, des raviolis, m'a posé souci à la digestion.
Ensuite, la deuxième nuit, j'avais planifié un break sieste de 2h de 0h30 à 2h30.
J'ai également fait un arrêt de 20 min pour manger le premier midi un repas à base de pates et de blanc de dinde.
5. Doutes
J'ai douté plusieurs fois pendant les 48 heures. La première étant après 8 heures, vers 0h alors que j'étais bien seul dans le bassin (j'étais seul avec le coach, un pointeur et ma femme) et que j'avais un premier coup de froid. A 8 heures du matin, j'avais pris beaucoup de retard et je me suis dit que ça n'allait pas passer et que c'était inutile de faire la suite pour finir à 2 ou 3 kilomètres en dessous.
Le deuxième jour, en fin de matinée, j'avais beau calculer dans tous les sens dans ma tête, avec le rythme que j'avais, je ne finissais qu'à 99 ou à 100 mais pas à 102.
Le reste du temps, pas trop de doute car en "déconnectant le cerveau" pour réussir à nager malgré la douleur voir la souffrance à certains moments, je ne pensais plus à la tentative.
6. Prochains steps
Petit step : les championnats du monde de natation à Budapest en août et en septembre, avec mon meilleur ami Vincent Leblond, la course de relais Red Bull Elements considérée comme la plus difficile du monde.
J'ai la traversée du lac Léman dans la largeur qui me trotte dans la tête depuis un an. Ca n'a encore jamais été fait mais il me faudra une grosse préparation (73 km).
Je dirais que le prochain step que j'aimerai vraiment faire c'est l'Everest de la natation, la traversée de la manche, 2019 peut être.
Crédit photos : Gilles Grasbki