Burghausen : Les 2es Championnats du Monde de Nage Glacée

« Les copains d’abord », Georges Brassens aurait rendu hommage à l’équipe de France des 2es championnats du monde de Nage Glacée qui se tenaient à Burghausen en Allemagne du 6 au 7 Janvier 2017. Jacques Tuset, Denis Colombe, Philippe Fort, Laurence Dalboussière, William Bonnet, Alexandre Fleury et Lucie Allemand me rejoignent. La force de notre groupe ? Le mental d’acier, l’enthousiasme, la bonne humeur et l’amitié de ceux qui affrontent en commun des épreuves pénibles, tout simplement. Ensemble, nous étions prêts pour la violence du combat contre la glace.  
 
Température ce matin : -14°C. Eau : 2,4°C. Sous la silhouette interminable du plus long château du monde s’ouvre le manteau blanc du lac de Wöhrsee. Nous sommes à Burghausen, petite ville Bavaroise à la frontière de l’Autriche. Un « bassin » de 25 m aligne ses rangées d’eau sombre et de cristaux de glace sur le lac. Dans la tente d’assemblement la tension est palpable. Les 104 nageurs du mythique 1000 m s’avancent sur leur place de départ par série de huit au glas sépulcral d’une cloche.
 
J’étais seul il y a un an.  Aujourd’hui, nous sommes cinq nageurs à compléter la course. L’eau glaciale saisit. Cet ultra-extrême kilomètre exige une concentration intense. On aligne les longueurs. 34, 33, 31 longueurs… les panneaux se succèdent. Le cap des 20 ouvre la montée vers les 30 où tout se joue. Au bout de quelques centaines de mètres le corps semble s’y faire, on accède à l’euphorie rageuse des 10 dernières longueurs dans une impression illusoire de bien-être qui annonce la chute de plus en plus rapide de la température corporelle. Elle n’épargne pas le nageur entrainé. Modérée jusqu’à 10 à 15 minutes, elle s’accélère inexorablement après 20 minutes. La glace gagne toujours.

C’est mon 5e 1000 m glacé. 21 min 18 sec. L’ultime défi. Comme les marathons, on a beau les accumuler ils ne sont jamais faciles. Dans un marathon, on peut ralentir, terminer quand même. Impossible pour le 1000 de glace. L’effort doit être continu, bien dosé, ni trop rapide ni trop lent. Il faut terminer le plus vite possible, ou échouer. Dans les deux cas on est rattrapé par le froid, on s’étouffe ou on s’engourdit. Il faut surtout être suffisamment fort pour entamer la deuxième partie de la course, le réchauffement. Pour certains c’est la partie la plus dure, ça grommelle, gémit, grogne, dans un tremblement incontrôlable, le cerveau obscurci. C’est souvent une longue lutte, un effort physique plus long et intense que la nage elle-même. Il faut contrer la spirale du refroidissement qui se poursuit après la sortie du bassin par un réchauffement actif de la surface du corps par des serviettes humides et chaudes appliquées dans un incessant ballet sur le corps glacé. Les capacités de récupération varient. Jacques et surtout William sont les plus rapides à s’en remettre.
L’expérience que procure le fait d’en avoir fait 5 rassure tout autant qu’elle freine. Je sais ce qui va se passer, j’anticipe la douleur, l’intensité de l’effort, le moment où comme dans un ultra-trail surgit l’alchimie mystérieuse de la réussite, sous la forme d’un bonheur absolu. Pourtant rien n’est sûr. Nous sommes en équilibre sur une crête. Il faut tout reconquérir, à chaque fois. Tout simplement le Graal de la natation.
 
J’ai fondé avec Laurence Dalboussière et Eric Legout la FRISA pour représenter l’International Ice Swimming Association en France, et réunir à Burghausen le premier relais français pour le 4 x 100 m dans le Duel des Nations. L’impérial Jacques Tuset, un Philippe très Fort, Denis Colombe l’accrocheur et une sirène nommée Lucie Allemand se classent 5e devant la Grande Bretagne avec un temps de 5 min 9 sec.  L’Allemagne, une équipe binationale finno-estonienne, l’Afrique du Sud et l’Irlande prennent les premières places.
Un relais 4 x 25 de super sprint opposent 27 équipes. Lucie Allemand, Denis Colombe, Philippe Fort et moi-même finissons 3e avec un temps de 1 min 04 sec 99.
Sur le 1000 m Denis Colombe améliore le record de France qu’il détient depuis un an avec un temps de 15 min 7 sec, se classant 16e au général et 4e dans sa catégorie des 50-54 ans.
Mission accomplie pour l’équipe de France. Un début prometteur !
Plus fort, plus fou, plus froid. Et surtout le plaisir d’aider… Le message d’Alexandre Fleury vaut mieux qu’une médaille ou un trophée : « Merci pour ta gentillesse, tes conseils et ton soutien !!! ».

 
Dr Alexandre Fuzeau
Président de la FRISA